L’évocation de la civilisation arabo-musulmane comme une histoire brillante seulement, sans reconnaître l’apport de différentes cultures antérieures à la propagation de l’islam dans le monde, relève de la conservation d’un mythe.
De par sa rapide expansion, dès la seconde moitié du VIIe siècle, l’islam s’impose comme une alternative aux pouvoirs de Byzance et de Babylone. Tout au long de ses différentes conquêtes, la civilisation arabo-musulmane puisera son dynamisme, son originalité et sa richesse dans la multiplicité des sources et de ses ressources, tant humaines que matérielles. Abstraction faite de l’islamisation et de l’arabisation, cette nouvelle civilisation s’affirme aussi par le dialogue instauré entre les penseurs, non sans recourir à la tradition philosophique léguée par la Grèce. Après la prise des anciens territoires sassanides, en Mésopotamie et en Iran, ceux des Byzantins, en Syrie et en Egypte, le mouvement musulman s’étendra progressivement au-delà de la Perse, à l’est : Inde et même la Chine, à l’ouest : Afrique du Nord, Espagne… Sans pratiquer donc l’exclusion, la civilisation musulmane apparait comme celle d’une synthèse originale. Elle fait sienne des éléments culturels byzantins, eux-mêmes héritiers de la Grèce et de Rome, ceux de la Perse, de l’Inde et d’autres contrées asiatiques. Sans procéder à la destruction, elle assimile les différentes cultures des pays conquis, faisant de l’accumulation des connaissances une règle fondamentale pour son développement. Cela passe notamment par la traduction en langue arabe du savoir des « Anciens », ceux de Grèce entre autres. Les savants du Moyen-âge musulman se sont attelés à cette tâche, sachant qu’une langue qui traduit s’enrichit en augmentant le champ des significations possibles et du lexique, permet aussi le développement des sciences et des arts. Pour ce faire, la collecte de la connaissance relèvera de la traduction de textes de médecine, de philosophie, d’astronomie et d’autres disciplines. Il est notamment question d’aller vers la maîtrise des formes anciennes d’irrigation, des adductions d’eau, des techniques agricoles et d’amélioration des cultures. D’autant que l’essence même d’une civilisation est urbaine, même si la principale source de richesse demeure la terre.
Le génie des savants
Sans cette quête du savoir et l’innovation des génies, des villes comme Baghdad, Le Caire, Cordoue, Fès, Kairouan n’auraient pas pu se développer. Ces capitales de l’islam reflètent une civilisation commune et universelle. L’apport des savants du monde musulman reste, au jour d’aujourd’hui, une référence indéniable. Quoi que confrontés au dogmatisme et au conservatisme de courants musulmans, ils ont œuvré à la progression. L’exemple du philosophe Ibn Sina (Avicenne), sinon sa création scientifique, illustre la volonté du khalifat à maintenir le pouvoir musulman, non pas seulement par la force des armes, mais aussi par le rayonnement culturel. L’impact du monde islamique est tel qu’il se traduit par la création d’écoles, d’observatoires, d’universités, d’hôpitaux – les premiers étant fondés sous le règne de Haroun Al Rachid au IXe siècle –, de bibliothèques publiques comme celle de Cordoue qui compte au Xe siècle 400 000 volumes. Quant à la conception architecturale urbaine, y compris celle de la mosquée, elle émane plutôt de la combinaison d’éléments empruntés à toutes les architectures orientales : à l’Egypte la salle à colonnes; à la Perse la coupole; à l’Espagne wisigothique l’arc en fer à cheval. Dès le XVIe siècle, la civilisation arabo-musulmane subira son déclin. Si l’explication réside dans l’appauvrissement économique, elle l’est aussi dans la Reconquête catholique et dans le dogmatisme inhérent à la religion.
Mohamed Redouane
Bibliographie:
- La civilisation arabo-musulmane au miroir de l’universel par la direction de la Section philosophie et démocratie, Unesco 2010
- Les apports de la civilisation islamique à l’Occident par Jihene Aissaoui dans Imane magazine.
- Le monde arabo-musulman au Moyen-âge dans Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public, 20ᵉ congrès, Paris1989.
- Illustration: Les «Maisons de la Sagesse» temples du savoir durant l’âge d’or de la civilisation islamique